vendredi 27 mars 2009

L'Eglise persiste et signe

L'Église part en croisade contre un nouvel ennemi juré : le préservatif. Ce suppôt de satan présenté comme la solution contre le mal, le SIDA, est en fait le mal lui-même. Le pape Benoit XVI l'a assuré la semaine dernière, l'évêque d'Orléans, André Fort, le confirme aujourd'hui : "Vous le savez très bien, tous les scientifiques le savent : la taille du virus du sida est infiniment plus fine que celle d'un spermatozoïde". Le préservatif n'est donc pas fiable à 100% et André Fort, éminence grise apparemment spécialiste de la question (!), ajoute : "On met maintenant sur les boîtes de cigarettes : 'danger'. On devrait mettre sur les boîtes de préservatifs : 'fiabilité incomplète'". Lorsqu'on lui demande d'où il tient ces informations, il assure les avoir compulsés dans une revue scientifique, qu'il est incapable de nommer. La communauté scientifique monte au créneau et jure sur ses grands dieux que les propos de l'évêque constituent une contrevérité. Le préservatif, souffre-douleur de l'Église, retrouve ses lettres de noblesse. Il reste le seul moyen de lutter contre la transmission du virus. Point. Que l'Église s'occupe de ses affaires, à savoir la morale chrétienne et la foi et qu'elle laisse les scientifiques faire leur travail.

lundi 23 mars 2009

G lu ... "Allah n’est pas obligé" d'Ahmadou Kourouma

Le narrateur de ce roman est un enfant de 12 ans, Birahima, jeune abidjanais de la tribu des Malinké (musulmans), qui décide de raconter son incroyable histoire, celle d’un orphelin devenu enfant-soldat entre le Libéria et la Sierra Léone, tout en jetant sur la société africaine un regard d’une lucidité absolue et d’une pertinence digne des grands Sages. Car se détache de ce récit l’autopsie d’un continent à la dérive, enchaîné à ses coutumes, ses superstitions, ses clivages religieux, ses guerres fratricides et tribales, ses luttes de pouvoir, ses violences aveugles qui touchent tous les africains, surtout les plus démunis. C’est aussi le regard de ce jeune musulman qu’est Birahima qui est le plus poignant, à savoir cette résignation dans le malheur puisque « Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ». L’auteur manie l’ironie avec brio.

Plusieurs thèmes reviennent en boomerang dans ce récit. D'abord le drame de la mort de la mère de Birahima imputée à un mauvais sort révèle et accuse le poids des croyances et des superstitions qui pèsent sur le développement de l'Afrique. La sorcellerie, le refus de la médecine blanche, ou le fétichisme profondément ancrés dans les mentalités et les pratiques culturelles tentent d'expliquer l’inexplicable. Pour juguler le mauvais sort, il est décidé par la famille que l'enfant sera envoyé loin du village, au Libéria voisin, et pour le voyage, il est remis entre les mains d'un marabout « multiplicateur de billet », Yacouba. Ce charlantan qui espère s’adonner plus tranquillement à son escroquerie dans le Libéria en guerre, fait miroiter à Birahima un destin en or d’enfant-soldat pour le persuader de le suivre. Débute alors une longue marche pour Birahima et Yacouba à travers l'Afrique de l'Ouest en guerre.

La guerre rythme le récit de d' horreurs lancinantes. Le Libéria où ils arrivent est un pays dont le territoire, les hommes et la fortune ont été partagés entre quatre grands bandits qui luttent pour le pouvoir : Doe, Taylor, Johnson et Koroma. Charles Taylor, formé au terrorisme et armé par des dictateurs africains alors qu'il était recherché au Libéria, son pays natal, rentra au pays pour récupérer le pouvoir par la force. Depuis, il y sème la terreur. Le Prince Johnson est un catholique illuminé qui a pris les armes au nom de Dieu et combattu tous les chefs de guerre qui voulaient prendre le pouvoir politique, même démocratiquement. Un jour, il se rendit au quartier général de l’ECOMOG, force de maintien de la paix africaine, pour y kidnapper Doe venu parler d’une paix éventuelle. Puis il le tortura et le découpa en petits morceaux. Après s’être séparé de Taylor, le Prince Johnson fonde une faction rivale du NPLF : désormais, c’est à lui qu’incombe de trouver aux soldats les moyens de subsister. Pour trouver des fonds, il se lance alors dans des opérations de raquets, d'assauts de villes minières, de kidnapping et de massacres de civils travaillant pour des compagnies étrangères, sensibles à la vie de leurs employers et donc très généreuses... La guerre produit un nombre illimité de chefs qui s'associent entre eux puis/ou s'entre-tuent au grès des intérêts du moment. Il en va de même pour les soldats qui passent d'un chef à un autres selon les conditions de vie qui leur sont promises. Le colonel Papa Le Bon, représentant du NPLF[1] dont Charles Taylor est le leader, est l'un d'entre eux. Le village de Zorzor, fief de Papa le Bon où Birahima vit sa première expérience d'enfant-soldat, constitue une sorte d’Etat dans l’Etat avec son administration, son camp de réfugiés, son arsenal, ses prisons, son temple et ses casernements d’enfants–soldats qui y assurent la sécurité dans des conditions difficiles.

L'enfant-soldat est une des pires tragédies de l'Afrique d'aujourd'hui. Les enfants rejoignent l'armée après une tragédie, souvent familiale, parce qu'ils cherchent une famille mais surtout le moyen de survivre. Birahima devient l'un d'entre eux d'abord parce que l'enfant-soldat jouït d'une image dorée - nourriture à profusion, chaussures, radio - et surtout, grâce à sa kalachnikov, il s'assure de ne plus être une victime. Au fil du récit, la réalité apparaît toute autre. Les enfants-soldats vivent dans des conditions précaires, sont soumis à la barbarie autant que les autres et sont envoyés en tête des combats, drogués pour leur donner courage et sentiment d'invincibilité.
La guerre est une source immense de profits pour les leaders africains, les chefs de guerre et les soldats. Les guerres soit disant tribales sont le moteur de l’économie du pays et permettent aux guerriers d'améliorer leurs conditions de vie. Dirigés par des bandits, les soldats se paient en massacrant la population pour lui voler ses biens et les revendre à prix dérisoires. Les commerçants, attirés par l’idée de réaliser de gros bénéfices en achetant à bas prix, affluent vers les zones en guerre. Mais les étrangers en profitent largement aussi. C'est ce que découvrent Yacouba et Birahima dans la ville de Sanniquellie, dirigée par la sœur de Doe, Onika Baclay. La ville, très riche en ressources minières (or et diamants) est exploitée par des patrons associés étrangers qui exploitent sans scrupule les orpailleurs. Les quartiers de ces commerçants sont surveillés par les enfants-soldats armés jusqu'aux dents. Une nuit alors qu'une attaque menée par Onika pour récupérer des otages est lancée en dehors de la ville, le NPLF, profitant de l’absence de toute autorité à Sanniquellie, investi la ville et ses exploitations minières, laissant sur la paille la famille Baclay. La possession de richesses minières est un enjeu de taille dans cette guerre.
Puis c'est l'arrivée de Birahima en Sierra Leone, pays instable depuis son accession à l’indépendance en 1961. Miné par la corruption générée par les richesses minières, le pays connaît coups d’Etat sur coups d’Etat. En 1995, Foday Sankoh, fondateur du RUF[2], soutenu par Taylor, s’empare de Mile-thirty-eight, une ville riche en minerais d’une valeur stratégique inestimable. Le gouvernement en place, appauvri, décide la tenue d’élections libres en espérant que la démocratie lui rende le pouvoir. Mais Sankoh ne veut pas s'y plier et se lance dans une ignoble campagne d’amputation de mains : « pas de bras, pas d’élection ». Pressé par le dictateur Houphouët-Boigny, Sankoh signe un cessez-le-feu. En mars 1997, Kabbah est élu à la présidence du pays mais Sankoh refuse de le reconnaître. La communauté internationale décide que Sankoh doit être nommé vice-président de la République et reste maître de Mile-Thirty-Eight pour mettre fin à la guerre tribale.
Luttes intestines entre le président et son second, prise de contrôle de villes stratégiques pour s'assurer le pouvoir. Mais aussi drames des "riens du tout" coincés au milieu des conflits entre chefs de guerre. L'Afrique est victime de ses propres richesses et de la politique de ceux qui les convoitent. Ceux qui fuient les conflits sont parqués dans des camps où débarquent Birahima et Yacouba. Leur mode de fonctionnement est montré du doigt : le chef du camp trompe les ONG en gardant de force les réfugiés, bénéficiaires de l'aide internationale qu’il détourne au profit de ses soldats. Pour convaincre les ONG de leur confier ces aides, il recourt au chantage en menaçant de laisser mourir les réfugiés de faim et de maladie. C’est dans ces circonstances que la tante Mahan, que Birahima devait retrouver, a trouvé la mort. Elle symbolise la tragédie des réfugiés, otages de chefaillons et continuellement en fuite pour éviter les affres de la guerre. L'aventure de Birahima s'arrête donc là.

Un livre complet sur les origines des conflits en Afrique de l'Ouest et leurs enjeux. Un livre d'une valeur inestimable puisqu'à la tragédie personnelle de l'enfant se joint de concert le drame national des pays en guerre. Seul un enfant pris dans les mailles étroites de la guerre pouvait en révéler toute l'absurdité.

[1] Front National Patriotique du Libéria
[2] Front Révolutionnaire Uni

vendredi 20 mars 2009

Petites médisances entre amis


Entre 2 et 3 millions de personnes ont manifesté à travers la France ce jeudi 19 mars, le mouvement de contestation étant accompagné d'une grève interprofessionnelle. Une mobilisation exceptionnelle qui réunissait des français de tout âge et de tout horizon mus par une même exaspération de la politique du gouvernement. Et la crise n'a pas toujours à y voir là dedans. Il y a ceux qui viennent pour sauver l'hôpital public, ceux qui veulent sauver leur emploi, ceux qui croient encore que l'enseignement public a un avenir, ceux qui ont des convictions de gauche et ceux qui sont simplement solidaires. Une manière d'appeler à l'aide le gouvernement et de le pousser à ré-agir.
Et que fait le président pendant ce temps là ? Il parade à Bruxelles où il assiste à un conseil européen en vue du prochain G20 qui aura lieu les 3 et 4 avril prochains. Un rendez-vous apparemment immanquable, bien plus important que d'être là lorsque le peuple fait entendre sa voix de manière à être écouté et entendu. La preuve : cette superbe photo des leaders européens sur laquelle Angela Merkel s'appuie amicalement sur l'épaule de notre président visiblement ravi. Tout un symbole. Le prix du mépris [pour son peuple] sans doute.
(Photo Reuters pour le JDD)

Paris Match vient d'être condamné pour avoir publié en Février des photos de Ségolène Royal au bras de celui qui a était présenté par le magazine comme son nouveau petit ami. Ce n'est pas tant cette décision qui est regrettable car elle ne fait que protéger le droit à l'image et le respect de la vie privée mais l'argumentaire de l'ex-candidate aux présidentielles, qui est le comble de la mauvaise foi. "Ce ne serait pas dommage si on me laissait un peu tranquille", a-t-elle conclu. Sa surmédiatisation depuis quelques années, aussi bien politique qu'intime, n'est rien d'autre que le fruit d'une parfaite connivence avec les médias. "Ségo au Chili", "Ségo à Gandranges", "la famille de Ségo", "Ségo aux Antilles", "Ségo...", épisodes à répétitions d'une médiatisation bien profitable pour la "victime". Que serait Ségolène Royal aujourd'hui et surtout quelle visibilité aurait-elle si les médias la laissaient tranquille ? N'oublions pas qu'elle n'est pas - c'est à se demander d'ailleurs si elle est courant - secrétaire du Parti socialiste et que seuls les militants qui lui sont fidèles suivent son actualité.
Déposons nos stylos, caméras et autres appareils photo aux pieds de Ségo : verra bien qui craquera le premier.


Souvenez-vous d'une de ces multiples mesures prise par le gouvernement en 2008 qui consistait à faire supporter aux mutuelles et assurances complémentaires le poids d'une réduction des dépenses de santé pour diminuer le déficit de la Sécu. Il était hors de question pour le gouvernement de faire payer les assurés puisque Supersarko était bel et bien le président du pouvoir d'achat. D'ailleurs Eric Woerth, notre ministre du budget, avait fait une déclaration persuasive dans ce sens : "Nous demandons aux organismes complémentaires de ne pas augmenter leurs cotisations". Si ce n'est pas persuasif ça !
Quelle surprise de constater sur mon relevé de compte que ma mutuelle a augmenté ses tarifs de plus de trois euros, soit 8% d'un coup d'un seul. Madame Bachelot, nous sommes dans une économie de type néo-libérale, pensiez-vous réellement que les mutuelles accepteraient de rogner leurs gros bénéfices pour les beaux yeux de la France ? Ou c'était une manière de faire passer en douce une mesure anti pouvoir d'achat, très impopulaire et carrément foutage de gueule après l'instauration des franchises médicales et du déremboursement de beaucoup de médicaments ? [Question naïve je sais !].

jeudi 19 mars 2009

Benoit XVI, un homme dangereux

A croire qu'il ne peut pas s'en empêcher. Benoit XVI a encore tenu des propos incendiaires aussitôt controversés. C'est peu dire tant ils sont de nature irresponsable et dangereuse. Affirmer que la distribution du préservatif aggrave le problème du sida relève de la propagande catholique mais aussi du crime contre l'humanité.

Depuis les années 80, plus de 25 millions de personnes sont décédées de la maladie du SIDA dont 2,5 millions pour 2008. Aujourd'hui encore, plus de 33 millions de personnes sont affectées par ce virus dont 22 millions rien qu'en Afrique subsaharienne (67 % environ). Et la pandémie continue son macabre chemin. L'inflexibilité du pape sur les moyens de prévenir la maladie - le préservatif - démontre à elle seule le décalage entre une institution fondée sur des principes archaïques et les pratiques de notre époque.

L'Église prône la fidélité et l'abstinence sexuelle pour lutter contre le fléau du VIH. C'est sûrement efficace, on ne peut en douter, mais complètement utopique. L'homme est un être de passions mu par des instincts sexuels inhérents à sa condition d'humain dont la société ne le culpabilise plus. Au XXIe siècle, les individus se marient très tard, le plaisir n'est plus tabou et la liberté sexuelle est intrinsèquement liée à l'épanouissement personnel. Il faut dire qu'avoir des rapports sexuels dans l'unique but de procréer est aujourd'hui une "hérésie" sociale ! Et puis c''est oublier un peu vite que c'est souvent le seul "plaisir" qu'il reste aux populations les plus démunies. Bref, sur ce sujet là, la société a fait de grandes avancées mais l'Église n'a pas suivi. Enfin, seulement ses plus hauts dignitaires puisque dans la pratique, les curés sensés condamner les rapports sexuels hors mariage, acceptent de bénir des unions pour lesquelles il est évident que le passage à l'acte sexuel a déjà été franchi. Cette vaste hypocrisie de la part de nos grands hommes d'Eglise porterait à sourire si ce n'est qu'aujourd'hui cette farce peut coûter la vie de milliers de personnes. Remettre en cause l'efficacité du préservatif comme moyen de lutte contre la pandémie, c'est envoyer à l'abattoir des milliers de personnes qui s'en remettent à Dieu parce qu'elles n'ont pas les moyens de se payer des soins adaptés. De telles affirmations dans la bouche d'un pape, ont quasiment valeur de dogme pour des millions de personnes, ce qui pourrait anéantir les progrès faits sur place par les ONG pour informer et sensibiliser les populations les plus démunies d'Afrique, ou d'ailleurs. Pour Médecins du monde «ce sont des années de travail qui sont remises en cause et surtout ce sont des millions de personnes qui risquent d'être contaminées à cause de ces déclarations». Oui, le pape est un homme dangereux.

Certes, la distribution du préservatif n'est pas la solution au problème du SIDA mais c'est la plus efficace aujourd'hui. Seule la science résoudra l'énigme du SIDA. Il est temps que l'Eglise pour être en accord avec ses fidèles de moins en moins fidèles fasse un peu plus corps avec son temps. Après l'avancée de jean-paul II dans la compréhension, pas toujours aboutie mais comportant de sérieux progrès, on assiste à un néfaste et regrettable recul avec Benoit XVI.


Dessin : L'actu en patates : http://vidberg.blog.lemonde.fr/

mercredi 11 mars 2009

G lu.... "La malédiction d'Edgar" de Marc Dugain

.... Ou Edgar, une malédiction pour l'Amérique

A l'origine de ce livre, un manuscrit dont personne ne voulait, écrit par Clyde Tolson, numéro deux du FBI et amant de Hoover. Trop d'imprécisions et manque d'authenticité pour les uns, des incohérences historiques pour les autres. Mais surtout un document dangereux puisque les assassins des frères Kennedy y sont clairement désignés. Pour Marc Dugain, qui ignora ces détails, ce manuscrit a autant d'intérêt faux que vrai dans la mesure où il révèle une volonté d'impulser un sens à la vérité. Il est temps pour l'auteur de demander des comptes à l'Histoire.


Les confessions de Clyde Tolson, aux côtés d'Edgar de 1932 jusqu'à 1972, sont passionnantes à plus d'un titre : d'abord parce qu'elles nous entraînent dans les coulisses du pouvoir où John Edgar Hoover officia comme directeur du FBI pendant plus de 48 ans. Déjà en place lorsque Franklin D. Roosevelt fut élu à la présidence des Etats-Unis, Hoover a pendant toute la durée de son long mandat épié, à l'encontre des lois démocratiques du pays, tous ceux qui jouaient ou seraient amenés à jouer un rôle influent dans les hautes sphères du pouvoir. Mais aussi tous ceux qu'il jugeait, de manière arbitraire, subversifs : syndicats, mafieux, artistes... Tous sans exception, y compris les présidents en exercice, furent mis sur écoute jusque dans leur chambre à coucher. Aucun n'échappa à l'étroite surveillance de celui qui s'érigeait comme le garant de la morale.

Ensuite, ce documentaire fiction est un bijou du genre car il nous immerge dans l'esprit torturé, névrotique, égocentrique et paranoïaque de celui qui pouvait se targuer de défaire un président ou de nuire à sa réélection. Du haut de son piédestal, J. Edgar Hoover, ce virtuose de la manipulation, cet incorrigible intrigant était persuadé qu'il était le seul à même de diriger le FBI et ainsi de protéger l'Amérique de ces déviances. En réalité, il ne faisait que protéger ses arrières. Sa longue croisade contre le communisme, dans laquelle il a totalement investi le FBI, a été menée au détriment de la lutte contre un fléau plus nuisible encore : la mafia. Son anticommunisme lui a en fait servi de diversion pour protéger la mafia qui détenait des photos compromettantes sur lesquelles, à moitié nu, Hoover échangeait un baiser avec Clyde Tolson. Ces photos du directeur du FBI, une des personnes les plus influentes du pays, avec son second - dans une posture tendancieuse à une époque où toute révélation d'homosexualité anéantissait une carrière - constituèrent un moyen de pression inestimable qui assura à la mafia une immense tranquillité, du moins de la part de la police fédérale. Cet incorrigible opportuniste ne concevait pas faire autre chose que diriger le FBI et était prêt à tout pour rester le maître. Cet accord "tacite" a tissé des liens indéfectibles entre Hoover et les mobsters qui conditionnèrent de ce fait la politique intérieure américaine...

Mais encore, les révélations de Clyde Tolson sur les membres de la dynastie Kennedy, de son ascension jusqu'à sa "chute" en 1968 avec l'assassinat de Robert, consacre la démystification de cette famille dont l'aura est encore aujourd'hui intacte. Les dossiers de Hoover, récupérés par Tolson à sa mort, révélèrent que le père, Joe Kennedy que Hoover méprisait, avait fait fortune pendant la prohibition et la grande dépression, qu'il était sympathisant nazi à ses heures, coureur de jupons invétéré - gène qu'il transmit à ses fils - et qu'il rêvait de porter son fils aîné à la fonction suprême. La mort de ce dernier au cours de la guerre n'a pas freiné son ambition tenace qu'il a reporté sur second fils, John, dénué de toute ambition politique, et atteint de deux maladies incurables, la maladie d'Addisson et l'hypersexualité. Forcé par son père au mariage avec Jacqueline Bouvier pour des questions d'ordre moral et politique, le jeune sénateur réussit à se faire élire à la Maison Blanche en 1960 en grande partie grâce à l'argent de son père et à l'intervention de la mafia. Cette même mafia qui ne lui pardonna jamais la croisade que son frère Bob, nouveau ministre de la justice, lança pour court-circuiter le patron du FBI. Se sentant menacé dans ses fonctions en raison de son laxisme notoire à l'égard de la pègre, Hoover garda pour lui les menaces d'assassinats qui pesaient sur le président, puis sur son frère.

Enfin, ce manuscrit révèle les complots qui ont abouti à l'assassinat de JFK à Dallas le 22 novembre 1963, puis à celui de Robert Kennedy cinq ans plus tard. Selon Tolson qui avoue avoir mené une enquête officieuse à la demande de Hoover après l'attentat, le vice-président de Kennedy, Lindon B. Johnson, aurait commandité cet assassinat pour le compte des pétroliers texans. Ces derniers, inquiets par la lourde politique fiscale qui devait s'abattre sur leurs bénéfices, auraient exigé de Lyndon Johnson, qu'ils rinçaient généreusement depuis des années, qu'il régla le problème. D'autant plus qu'un scandale était sur le point d'exploser : Robert Kennedy avait monté un solide dossier sur l'implication du vice-président dans un détournement de fonds publics de plusieurs millions de dollars destinés aux subventions agricoles au Texas [l'unique témoin fut d'ailleurs assassiné]. Hoover, quant à lui, ne leva pas le petit doigt parce qu'il détestait les Kennedy et partageait le point de vue de ces pétro-texans qui l'avaient suffisamment arrosé, faisant de lui un homme quelque peu fortuné. Et puis Lyndon était un vieil ami d'Edgar : c'est lui qui, avant l'élection de Kennedy, a fait passer au Sénat une disposition qui assurait au directeur du FBI une retraite sans diminution de revenus. Seraient également mêlés à ce complot des membres de la mafia que l'acharnement du ministre de la justice mettait dans l'embarras et des membres de la CIA rejoints par des anticastristes déçus par le manque de réactivité de Kennedy après l'opération ratée de la baie des Cochons. L'excellente enquête du journaliste William Reymond, Le dernier témoin, arrive aux mêmes conclusions. Toujours selon Tolson, le meurtre de Bob relèverait de la même logique.

Quelles sont les libertés prises par Clyde Tolson puis par Marc Dugain avec la vérité historique ? Nous ne le saurons probablement jamais ou pas encore du moins. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que le patron du FBI resta indétrônable - seule sa mort le 2 mai 1972 mit fin à ce "consulat à vie" - car il tenait par les couilles tous les hommes politiques de l'époque. Aucun des présidents qui se sont succédés n'a pu se débarrasser de ce passif maître chanteur qui gardait religieusement des dossiers bien étoffés. Quand on pense qu'il était "l'oreille de Moscou", comment le complot a-t-il pu passer à travers les mailles étroites de la surveillance qu'il avait lui-même imposée ? Il savait, c'est sûr. Et pourquoi s'est-il lancé tête baissée dans "la chasse aux sorcières", alimentant la haine démesurée de MacCarthy et consoeurs, tout en délaissant le combat contre le crime organisé ? L'affaire de la photo est donc tout à fait crédible et ses liens avec la mafia avérés.
En ce qui concerne le "régicide", des dizaines de théories du complots ont fleuri ces dernières années sans toutefois qu'une vérité soit arrêtée. Si la conspiration existe bel et bien, l'enquête du procureur de la Nouvelle-Orléans Jim Garrison l'a largement prouvée, l'histoire officielle a toujours des doutes sur les instigateurs.
Eh bien "A qui profite le crime ? ".
A beaucoup de monde certes. Mais en tout cas, la mort de John Kennedy a bien arrangé les affaires de Lyndon B. Johnson. Primo, sa première mesure de président fut d'abandonner le projet de loi visant à abolir les avantages fiscaux des groupes pétroliers. Secondo, le 27 septembre 1964, la commission Warren désignée par LBJ et chargée d'enquêter sur l'assassinat de Kennedy, a rendu des conclusions inacceptables, à savoir que Lee Harvey Oswald a agit seul. Tercio, des bruits de couloir à la Maison Blanche indiquaient l'intention de Kennedy de remplacer Johnson lors de la campagne électorale de 1964 en raison de son implication dans quatre enquêtes criminelles. Ces mêmes quatre enquêtes qui furent classées une fois Johnson président. L'histoire nous dira à quel degré les révélations de Clyde Tolson se sont arrangées avec la vérité.

vendredi 6 mars 2009

Rachida Dati, si différente ?





Alors que la garde des Sceaux semble avoir quitté le piédestal sur lequel l'avait hissée Nicolas Sarkozy, et être tombée en disgrâce aux yeux de celui à qui elle doit - presque - tout, un livre - Belle-amie - et un documentaire - Dati l'ambitieuse - dont elle est le sujet, sortent ces jours-ci. La bête est à terre, la curée peut commencer. Les journalistes concluent à l'unisson : Rachida Dati est une ambitieuse opportuniste doublée d'une infatigable intrigante. Et bien messieurs les journalistes, c'est le portrait de l'Homme politique en général que vous venez de nous brosser. Rien de nouveau donc.

Belle-amie, la biographie politique de Rachida Dati de Michaël Darmon et Yves Dera, esquisse le portrait d'une femme de tête prête à détruire tout ceux qui se mettent en travers de son chemin. L'univers de la politique est bien connu pour être impitoyable et peu de ceux qui l'exercent se passent de défendre bec et ongles leur carrière. Tout n'est que stratégies, intrigues à répétition, manigances et collusions pour assurer sa place au soleil. N' est-ce pas "naïf" de prétendre découvrir ces traits chez une personne en vue du gouvernement, qui plus est soumise à la désapprobation générale ? Qui peut citer l'exemple d'un homme - ou d'une femme politique - qui ait pensé à l'intérêt général avant son propre projet de carrière ? Qui connaît une personnalité politique dénuée d'ambition et d'opportunisme, capable de mettre sa carrière entre parenthèse pour le bien commun ? La fin justifie les moyens encore plus en politique qu'ailleurs. Il ne s'agit pas ici de remettre en question son ambition démesurée, son autoritarisme et son incompétence avérée mais simplement de mettre en avant que, dans le monde étroit de la politique, Rachida Dati est loin d'être une exception. Ne faisons pas comme si ce sujet était inédit ou original.

A défaut de l'angle choisi pour ces deux enquêtes, il est vrai que Rachida Dati est une figure de choix en tant que personnage qui suscite les plus vives polémiques. C'est sûr, une biographie politique qui tire à vue sur son sujet déjà impopulaire et controversée, promet d'être un succès de librairie.

(Photo : www.juliensanchez.fr/sujets/loisirs)

mercredi 4 mars 2009

Béchir inculpé. Et maintenant ?


Les juges de la Cour Pénale Internationale ont émis mercredi 4 mars un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar el-Béchir. Une première pour un président en exercice dans l'histoire de cette haute cour de justice. Cette initiative de la CPI est un véritable succès en matière de droits de l'homme. Si le symbole est fort, la vie de milliers d'être humains est toujours en danger. La guerre civile continue de déchirer le pays et les exactions à grande échelle contre les populations civiles persistent, malgré la présence de la Mission des Nations Unies et de l'Union Africaine au Darfour. L'urgence au Darfour est de ramener la paix et de faire en sorte que la MINUAD censée protéger les civils ait tous les moyens de sa mission, qu'elle bâcle lamentablement.


En juillet dernier, après trois années d'enquête sur le conflit au Darfour, le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, réclame un mandat d'arrêt contre Omar el-Béchir pour lequel il a accumulé de "lourdes preuves". Il est visé par pas moins de sept chefs d'inculpation dont crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. C'est en tant que président et commandant en chef de l'armée qu'el-Béchir est accusé d'avoir organisé et mis en œuvre une campagne anti-insurrectionnelle au Darfour. A l'origine de la guerre civile qui ensanglante la région du Darfour depuis 2003, des conflits entre tribus arabisées souvent nomades et tribus noires africaines non arabophones, plutôt sédentaires. A partir de 1985, le gouvernement de Khartoum décide d'armer ces nomades pour en faire une sorte de milice partisane, bien moins coûteuse qu'une armée à sa solde. Ainsi apparaissent les Janjawid, ces "Cavaliers du diable munis de kalachnikov". En servant le gouvernement de Khartoum, ils ont les coudées franches pour chasser les paysans de leurs terres qu'ils cultiveront à leur tour. Ce conflit aux origines ethniques s'est rapidement transformé en guerre d'exploitation économique. Et oppose désormais les troupes du gouvernement (milices et armée) aux troupes rebelles, dont la plus active est le JEM, Mouvement pour la Justice et l'Egalité. Ces derniers réclament pour le Darfour une meilleure répartition des ressources et des richesses du pays. Le conflit aurait fait 300 000 morts selon l'ONU et 10 000 selon les officiels de Khartoum. Sans compter que plus de deux millions de personnes ont été déplacées.

Une question vient immédiatement à l'esprit : que fait l'ONU ? La MINUAD est dans le pays depuis fin 2007 et compte aujourd'hui plus de 15 000 militaires et policiers chargés du maintien de la paix [ que signifie maintenir la paix dans un pays en guerre ?] Il est utile de rappeler que la mission des casques bleus est d'empêcher les attaques contre les civils et de les protéger, faciliter l’accès de l’aide humanitaire et d'assurer le retour des réfugiés et des déplacés, entre autres. Pourtant un récent rapport d' Amnesty International intitulé "Darfour. Des promesses en l'air. La communauté internationale ne tient pas ses engagements", épingle l'ONU sur ce dossier en accusant le cruel manque de moyens accordés à ces forces armées. Mieux formés, entraînés et équipés, les soldats déjà nombreux sur le terrain pourraient mener à bien leur mission. Toujours selon un rapporteur d'Amnesty, les viols et autres formes de violence sexuelle envers des femmes continuent - les auteurs de ces actes jouissent d'une totale impunité - et le climat est toujours à l'insécurité. Les derniers combats, outre les nombreuses victimes, ont de nouveau poussé des milliers de civils à fuir.

Les réactions suite à l'émission de ce mandat d'arrêt international sont très mitigées. Les Darfouris l'ont accueilli dans la liesse, cela va sans dire. Certains pays - essentiellement occidentaux - ont applaudi la nouvelle et appelé le gouvernement de Khartoum à coopérer avec la CPI. Mais ils craignent que les conséquences soient défavorables à la population du Darfour. A juste titre puisqu'une dizaine d'organismes humanitaires ont, dès ce matin, été contraints de quitter le Darfour, laissant une fois de plus les plus fragilisés à leur triste sort. Et d'autres, comme l'Afrique du Sud et la Libye - à la tête de l'Union Africaine - redoutent selon la version officielle un embrasement dans une région déjà suffisamment déstabilisée. La Chine, quant à elle, pense d'abord à préserver ses intérêts pétroliers. Une chose est sûre, la réussite de la CPI est inextricablement liée au soutien politique et militaire de la communauté internationale. Car sinon comment envisager l'arrestation et la traduction d'Omar el Béchir devant ses tribunaux si le gouvernement de Khartoum refuse de coopérer ? Et c'est là que le bât blesse. Dans l'incapacité de mettre fin au désastre humanitaire qui se joue dans la région depuis tant d'années, comment la communauté internationale peut-elle aujourd'hui s'élever contre le gouvernement de Khartoum ainsi que contre tous les chefs d'Etat du continent et d'ailleurs qui ont affirmé ne pas tenir compte de cette décision ? Le président soudanais avait déjà prévenu : "Cette décision à venir, ils peuvent se préparer à la ravaler". Un défi à relever pour la communauté internationale et l'ONU qui jouent leurs dernières cartes au risque de perdre définitivement toute crédibilité, et pas seulement dans la région. Pendant ce temps, les Darfouris attendent... et l'on sait dans quelles conditions...

G aimé... le trait de crayon



Nicolas Sarkozy et dix autres personnalités de l'UMP, dont les ministres en exercice, Rachida Dati, Christine Albanel et MAM, ont reçu par courrier des menaces de mort accompagnées d'une balle de 9 mm. En guise de commentaire, je laisse la parole aux dessins de Dominique Goubelle, vus sur goubelle.net.



Connaissez-vous Vendredi Hebdo ?

Nouveau venu dans l'univers de la presse papier, Vendredi hebdo inaugure un nouveau concept : la "presse internet". Ce nouvel hébdomadaire, qui remet au goût du jour le format original (30 x 57cm), se consacre entièrement à la netosphère. Et fait la part belle aux blogueurs. Un pari osé alors que la presse papier est menacée de toute part, par Internet d'abord - comble de l'ironie - et par la distribution de journaux gratuits, entre autres.

De l'info la plus sérieuse à celle carrément plus loufoque, Vendredi couche sur papier ce que vous avez peut-être manqué d'immanquable sur le Web. Chaque semaine, l'équipe du journal épluche pour ses lecteurs quelques centaines de sites et de blogs, en collaboration étroite avec des mordus du net. Internet en général et la blogosphère en particulier recèlent d'inépuisables trésors d'info, d'analyses et de commentaires. Autant de sources nouvelles pour alimenter le travail du journaliste. D'ailleurs, certains dans la sphère étroite du monde journalistique s'interrogent : le blogueur peut-il être considéré comme un professionnel de l'info ? Le débat est ouvert.

Traquer le meilleur et le plus croustillant de l'information sur la toile est-ce suffisant pour faire, en ces temps incertains, d'un journal une réussite ? Pour ne pas se noyer au milieu des "milliers" de titres qui paraissent en France, il faut assurément quelque chose de plus. Quoi ? Il suffit de se demander ce qui manque le plus aujourd'hui à la presse française et pourquoi les quelques titres qui marchent, eh bien, marchent ? Le Canard enchaîné, Marianne ou Charlie Hebdo jouissent d'un large capital confiance de la part des lecteurs en raison de leur liberté de ton et de manoeuvre et de la ligne éditoriale qu'ils ont choisie. Loin des nécessités du rendement pour le rendement. Ces dernières années, les journalistes, à tort ou à raison, ont perdu la sacro-sainte confiance que les lecteurs de tous bords avaient en eux. La presse a été vendue à de grands groupes industriels et les patrons du CAC 40 se sont transformés en directeur de la rédaction. Au final, l'information publiée dans les médias traditionnels sort à demi-mots, souvent de manière biaisée et avec en prime une langue de bois assez caractéristique.

Vendredi Hebdo a réussi, sous l'oeil expert du directeur de la rédaction Jacques Rosselin, fondateur du Courrier International, ce nouveau challenge que représente une presse indépendante éloignée de la pensée unique ambiante. Mais surtout sa plus grande victoire est de faire d' Internet, nouvel acteur incontournable de l'info et bête noire de la presse écrite, un véritable allié.
A suivre.