lundi 9 février 2009

Incroyable Tunisie !



Au-delà des clichés tenaces véhiculés par le tourisme de masse, la Tunisie, cette destination de rêve à bon marché possède bien d’autres ressources. Et pas forcément sur la voie tracée par les circuits touristiques.

La Tunisie est devenue ces dernières années une destination très en vogue pour les européens à la recherche à moindres coûts de paysages de carte postale et d’hôtels offrant un relatif sens du luxe. C’est dans cet esprit que les lieux phares de ce pays, Djerba et Hammamet, ont développé une politique d’urbanisation effrénée et incohérente afin de satisfaire les exigences accrues d’un tourisme bas de gamme. Au-delà des paysages sablonneux où la Méditerranée décline ces plus beaux tons de bleu azuré, la manne économique inespérée tirée du tourisme a largement contribué à la dénaturation d’un site et d’une culture exceptionnelle. Pour faire corps avec l’essence même de cette culture, il suffit de dépasser ces zones hôtelières formatées et, comme on dit dans notre jargon, « voir du pays ».



SIDI BOU SAID OU L’APPEL A LA POESIE

A une vingtaine de kilomètres au nord-est de sa capitale, la Tunisie offre son plus beau joyau architectural : le village médiéval de Sidi Bou Said. Touristique mais non moins authentique, Sidi Bou Said est un site protégé, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ici point de station balnéaire, ni d’hôtel grand luxe, ni même de loisirs pour touriste en quête de plaisir : l’intérêt de Sidi Bou Said réside dans le pittoresque de son âme. Niché sur une falaise qui domine la vieille ville romaine de Carthage et le golfe de Tunis, ce site exceptionnel est un paradis aux couleurs de la Méditerranée. Les murs peints à la chaux dévoilent un contraste saisissant avec le bleu turquoise des portes, des fenêtres et des moucharabiehs que les grappes de bougainvilliers viennent recouvrir de leurs fleurs violacées et rosées, tout en exhalant leurs senteurs inoubliables. Les rues piétonnes, étroites et pavées qui grimpent sur les flancs de la colline sont une invitation à la flânerie et à la découverte de l’architecture arabo-andalouse. En bout de course, elles offrent une vue imprenable sur le port de la ville, ses plages et sur le luxuriant palais du président - dictateur Ben Ali. Une étape à ne manquer sous aucun prétexte.


SUR LA ROUTE DU SUD TUNISIEN

La Tunisie est un pays de contrastes et de diversités naturelles. Encore faut-il faire du hors piste. L’idéal est de parcourir, par ses propres moyens, le sud tunisien en 4x4 muni d’une bonne carte routière et d’un guide pour ne rater aucun des sites historiques qui jalonnent la route vers les déserts. Et il y en beaucoup. A partir du nord de la Tunisie, la route qui mène au sud longe la côte où se trouvent les principales villes de Tunisie. Tout d’abord la ville de Sousse, « perle du Sahel » fondée au IXe siècle av J.C. La vieille médina et sa forteresse datant du IXe que surplombe la casbah ainsi que sa grande mosquée sont des bijoux de l’architecture arabo-musulmane. Plus bas, à l’est, se dresse Monastir où a été construit le mausolée de Bourguiba, père de la nation tunisienne, magnifique tombeau serti de deux minarets. Mais encore El Jem et son amphithéâtre construit au IIIe siècle après JC, vestige de la présence multiséculaire d’une brillante civilisation romaine. La route elle-même vaut le chemin : des oliveraies s’étirent à perte de vue de part et d’autre de la voie, seule preuve visible d’une activité humaine dans les alentours. Ici et là, un paysan longe la route, une femme voilée traîne un enfant par le bras mais la contrée est quasiment déserte. Sur des centaines de kilomètres, seules quelques rares habitations, souvent précaires, se dressent au loin. Les ¾ des Tunisiens habitent les régions côtières et vivent du tourisme. Pour les autres, il reste l’agriculture et l’élevage d’ovins. Et la vente sauvage d’essence. Des centaines de petites baraques où se vendent des bidons d'essence dans les conditions les plus précaires bordent la route qui s'enfonce profondément dans le sud. Dans ces régions agricoles, la pauvreté est grande et le chômage touche parfois 30 % de la population. C'est pourquoi l’Etat tolère la contrebande et la vente d’essence en provenance de la Libye voisine où le prix de l’or noir est dix fois moins cher.


Au merveilleux spectacle offert par les champs d’oliviers succède la traversée de villages en ruine, ou en construction, difficile de faire la différence, où il n’y a ni eau courante ni électricité. Les enfants pieds nus jouent devant leur maison et saluent chaque voiture qui passe. Des enfants au sourire chaleureux. Non loin, quelques moutons paissent tranquillement une herbe rare, au beau milieu des ordures. Et toujours le dôme d’une mosquée en vue. Les photos les plus singulières sont à portée de clic, portant loin le regard sur la Tunisie et ses habitants, à mille lieux des clichés classiques et triviaux du touriste lambda.


LES TROIS DESERTS

La terre de Tunisie possède cette originalité incroyable de cumuler sur ces espaces les trois déserts: de pierres, de sable et de sel. La traversée du désert de pierres, le reg, dans la région de Matmata est un enchantement. L’aridité du climat et la végétation steppique donne un air quasi lunaire à ce paysage singulier. Aussi, de part et d'autre de l'horizon surgissent des palmeraies verdoyantes, petit poumon économique du sud du pays. Au coeur de ces oasis naturelles et artificielles sont cultivés les palmiers-dattiers, principale ressource agricole du sud du pays. De petites villes sommaires ont vu le jour à leurs côtés grâce aux promesses d'emploi qu'elles charriaient. Une effervescence particulière règne dans ces oasis qu'il ne faut manquer de visiter sous aucun prétexte. Les sentiers tracés par les guides touristiques sont cependant à éviter : les cascades de la région de Chebika, frontalière de l'Algérie, sont des pièges à touristes tendus par les voyagistes en étroite collaboration avec la population locale. Un spectacle médiocre et désolant essentiellement à cause de la concentration de touristes et aux harcelements continus des vendeurs ambulants. Et le site du tournage de Stars War est une arnaque monumentale. Seule reste sur pied une construction troglodyte, sorte de maison témoin. Amateurs du film, abstenez-vous : la déception sera au rendez-vous.

Les habitants qui vivent sur les pourtours du désert de pierre ont creusé leurs maisons dans la roche pour se protéger de la chaleur. Un travail titanesque de creusement et de déblaiement qui accueuillera toute la famille. Dans cette habitation, on ne parle pas de pièces mais de cavités, ni de fenêtres mais d'ouvertures et il n'y a aucune commodité. Ces maisons dites troglodytes constituent une curiosité locale qu'il est possible de visiter moyennant quelques dinars, ce qui représente une source de revenus inespérée pour ces population très pauvres.

Les déserts de sel sont de vastes étendues de lacs séchés où quelques larges flaques ont persisté. Le lever du soleil au bord de ce désert est un moment magique : alors que le soleil pointe ses premières couleurs au-delà de la ligne d'horizon, l'astre de lumière surgit et monte à une vitesse impressionante, presque perceptible à l'oeil nu. Il est temps de repartir, le Sahara attend.


Plus loin, le Sahara, ce desert de sable qui couvre 40 % du pays, est de loin un des endroits les plus magiques et paisibles du voyage. Des kilomètres et un horizon de sable que soulève par petites touches le vent du désert. Les touaregs emmaillotés dans des turbans qui ne laissent apparaître que leurs yeux, traînent avec flegme leur dromadaire. La ballade dans le Sahara sur le dos d'un tel animal est du plus total dépaysement. On pense même se promener dans le temps, des siècles en arrière, tant le contraste avec nos villes et notre mode de vie ultra-moderne et sophistiqué est saisissant.

L'intérêt d'un voyage en Tunisie, ou vers toute destination ultra-touristique, est de se rendre partout là où le tourisme ne s’aventure pas afin de porter un autre regard sur un pays que les agences de tourisme méconnaissent ou ignorent volontairement. C'est en sortant des sentiers battus que se révèle à nos yeux toute l'authenticité d'un pays.

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