lundi 20 avril 2009

Les tribulations d’Areva au Niger

Le 23 juin, Areva et Thierry d'Arbonneau, délégué par son groupe au Niger, comparaîtront devant la XVIIe Chambre du Tribunal correctionnel de Paris. Les plaignants sont les touaregs du Niger, une population habitant traditionnellement dans le nord du Niger où les mines d’uranium sont exploitées depuis les années 70. Areva n'est pas traduite en justice pour les conséquences désastreuses et irréversibles générées par l'exploitation, depuis plus de 40 ans, de l'uranium qui n'est rien d'autre qu'un minerai radioactif extrêmement dangereux pour l'homme et son environnement. AREVA ne répondra pas devant la justice pour la destruction des pâturages, la pollution radioactive de l'eau, de l'air - avec des conséquences néfastes sur la santé comme le cancer, la stérilité - des spoliations territoriales, des déplacements forcés sans indemnisation... Le motif de la plainte des touaregs, épaulés par une ONG allemande de défense des droits de l’Homme est la "provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence".

C'est au cours d'un colloque organisé le 21 octobre 2008 à Paris par le MEDEF, sur le thème "Garantir la sécurité économique", en présence de nombreux chefs d'entreprises, de Michèle ALLIOT-MARIE, ministre de l'Intérieur, que le groupe AREVA et son directeur de la Protection du Patrimoine et des Personnes, Thierry d'Arbonneau, ont invité publiquement le gouvernement français à donner aux autorités nigériennes les moyens militaires "de mater la rébellion des Touaregs". Des populations effectivement très gênantes quant on pense aux investissements que le groupe doit effectuer sur des terres encore habitées ! AREVA vient de remporter des contrats extrêmement juteux à l'étranger - grâce à Nicolas Sarkozy transformé en VRP de luxe pour le compte du groupe -; il lui faut donc augmenter sa production, et ce dans les meilleurs délais. Depuis des années, AREVA négociait avec le Niger le permis d'exploiter un autre gisement très riche en uranium, Imouraren. Elle vient de mettre plus d'un milliard d'euros sur la table pour amadouer le président Mamadou Tandja, qui a pris un malin plaisir ces derniers temps à faire monter les enchères entre les différentes puissances étrangères qui lorgnaient sur ses gisements d'uranium. Le 5 janvier 2009, AREVA obtient enfin le précieux sésame pour ce qui constituera, selon le groupe, "le plus grand projet industriel minier jamais envisagé au Niger". Le pays se placera alors au deuxième rang mondial, avec une production de 5 000 tonnes d'uranium par an.

Tout commence dans les années 70. C'est l'histoire d'une entreprise française spécialisée dans l'énergie nucléaire qui prend un envol inespéré après le choc pétrolier de 1973. La France, économiquement sur les rotules, affirme que l'on ne l'y reprendra plus et décide de produire son électricité à partir du nucléaire, pour garantir son indépendance énergétique. Commence alors une quête à travers le monde de gisements d'uranium, combustible avec lequelle on fait tourner les réacteurs nucléaires. Au Niger, un des pays les plus pauvres du monde, un immense gisement est découvert au nord du pays sur un territoire qu'occupent les touaregs, des populations nomades ou semi-sédentaires, là depuis longtemps. AREVA obtient le feu vert des autorités nigériennes pour exploiter les richesses du sol. Aujourd'hui, deux filière d'AREVA, la Somaïr et la Cominak, exploitent les deux grands gisements du pays et fournissent un tiers des centrales d'EDF. Le Niger est le troisième producteur d'uranium au monde mais sa population est toujours parmi la plus pauvre de la planète. Et, sanitairement parlant, en danger. Force est de constater, un peu naïvement je dois dire, que notre indépendance énergétique se fait au détriment de la survie de la population locale. C'est là qu'intervient le MNJ (Mouvement des Nigériens pour la Justice). Cette milice de touaregs, qui mène une lutte armée contre le gouvernement de Niamey, réclame, entre autres, une plus juste répartition des richesses liées à l'exploitation de l'uranium. Et n'hésite pas à s'en prendre aux compagnies étrangères qui tirent leurs bénéfices de la richesse de leur terre avec la bénédiction du gouvernement, sans que les populations environnantes lésées reçoivent une partie du gâteau. Il faut savoir que le prix de l'uranium a été multiplié par dix depuis 2003 et que le PNB par habitant n'a guère augmenté. Rien n'est vraiment fait par AREVA pour limiter cette catastrophe humaine, écologique et sanitaire. Enfin, pas officiellement. Le discours bien rodé des pontes d'AREVA met l'accent sur le lourd investissement sur place en terme d'emploi et de formation pour que les nomades tirent eux aussi bénéfice des exploitations minières. Ce que nient les touaregs et explique en partie leur lutte. Ils réclament aussi davantage de démocratie, de justice "et que tous les citoyens puissent vivre dans un environnement viable, où les préalables d'un développement durable sont établis".

Les propos tenus par le représentant d'AREVA doivent bien embarrasser le gouvernement français qui s’efforce de diffuser une image qui fait rimer exploitation économique et développement du pays et de sa population. Même si officieusement il ne s'embarrasse guère de ces détails. Nos présidents français successifs ont serré la pogne et fait des affaires avec des hommes politiques coupables de violation des droits de l'homme. Aux côtés d'AREVA coûte que coûte, l'Etat français n'est pas prêt à laisser derrière lui les bénéfices tirés des liens privilégiés avec la "Françafrique". La France a besoin aujourd'hui comme hier des richesses minières que le continent africain recèle, et ce à n'importe quel prix. Et puis la colonisation reste un moment unique et privilégié, un bon souvenir quoi (!), de l'histoire française pour nos gouvernants et les grandes entreprises françaises : l'article IV de la loi du 23 février 2005 a bien tenté il y a peu d'inscrire "le rôle positif" de la colonisation française dans les manuels scolaires, et plus largement dans la mémoire collective. AREVA n'a donc pas de souci à se faire pour l'exploitation de ses gisements en Afrique. Aucun tribunal français ne viendra remettre cela en question. Quand bien même la multinationale serait condamnée pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, qu'est ce qui changera concrètement pour le peuple nigérien ?!

1 commentaire:

Serge Adam a dit…

Il faut surveiller les compagnies étrangères en Afrique, le nouveau terrain de bataille pour le contrôle des ressources nécessaires au pays impérialiste. Ils font des pieds et des mains pour accaparer les richesses de ces pays en laissant les peuples dans une extrême misère.
Notre vigilance s'impose.