mercredi 11 mars 2009

G lu.... "La malédiction d'Edgar" de Marc Dugain

.... Ou Edgar, une malédiction pour l'Amérique

A l'origine de ce livre, un manuscrit dont personne ne voulait, écrit par Clyde Tolson, numéro deux du FBI et amant de Hoover. Trop d'imprécisions et manque d'authenticité pour les uns, des incohérences historiques pour les autres. Mais surtout un document dangereux puisque les assassins des frères Kennedy y sont clairement désignés. Pour Marc Dugain, qui ignora ces détails, ce manuscrit a autant d'intérêt faux que vrai dans la mesure où il révèle une volonté d'impulser un sens à la vérité. Il est temps pour l'auteur de demander des comptes à l'Histoire.


Les confessions de Clyde Tolson, aux côtés d'Edgar de 1932 jusqu'à 1972, sont passionnantes à plus d'un titre : d'abord parce qu'elles nous entraînent dans les coulisses du pouvoir où John Edgar Hoover officia comme directeur du FBI pendant plus de 48 ans. Déjà en place lorsque Franklin D. Roosevelt fut élu à la présidence des Etats-Unis, Hoover a pendant toute la durée de son long mandat épié, à l'encontre des lois démocratiques du pays, tous ceux qui jouaient ou seraient amenés à jouer un rôle influent dans les hautes sphères du pouvoir. Mais aussi tous ceux qu'il jugeait, de manière arbitraire, subversifs : syndicats, mafieux, artistes... Tous sans exception, y compris les présidents en exercice, furent mis sur écoute jusque dans leur chambre à coucher. Aucun n'échappa à l'étroite surveillance de celui qui s'érigeait comme le garant de la morale.

Ensuite, ce documentaire fiction est un bijou du genre car il nous immerge dans l'esprit torturé, névrotique, égocentrique et paranoïaque de celui qui pouvait se targuer de défaire un président ou de nuire à sa réélection. Du haut de son piédestal, J. Edgar Hoover, ce virtuose de la manipulation, cet incorrigible intrigant était persuadé qu'il était le seul à même de diriger le FBI et ainsi de protéger l'Amérique de ces déviances. En réalité, il ne faisait que protéger ses arrières. Sa longue croisade contre le communisme, dans laquelle il a totalement investi le FBI, a été menée au détriment de la lutte contre un fléau plus nuisible encore : la mafia. Son anticommunisme lui a en fait servi de diversion pour protéger la mafia qui détenait des photos compromettantes sur lesquelles, à moitié nu, Hoover échangeait un baiser avec Clyde Tolson. Ces photos du directeur du FBI, une des personnes les plus influentes du pays, avec son second - dans une posture tendancieuse à une époque où toute révélation d'homosexualité anéantissait une carrière - constituèrent un moyen de pression inestimable qui assura à la mafia une immense tranquillité, du moins de la part de la police fédérale. Cet incorrigible opportuniste ne concevait pas faire autre chose que diriger le FBI et était prêt à tout pour rester le maître. Cet accord "tacite" a tissé des liens indéfectibles entre Hoover et les mobsters qui conditionnèrent de ce fait la politique intérieure américaine...

Mais encore, les révélations de Clyde Tolson sur les membres de la dynastie Kennedy, de son ascension jusqu'à sa "chute" en 1968 avec l'assassinat de Robert, consacre la démystification de cette famille dont l'aura est encore aujourd'hui intacte. Les dossiers de Hoover, récupérés par Tolson à sa mort, révélèrent que le père, Joe Kennedy que Hoover méprisait, avait fait fortune pendant la prohibition et la grande dépression, qu'il était sympathisant nazi à ses heures, coureur de jupons invétéré - gène qu'il transmit à ses fils - et qu'il rêvait de porter son fils aîné à la fonction suprême. La mort de ce dernier au cours de la guerre n'a pas freiné son ambition tenace qu'il a reporté sur second fils, John, dénué de toute ambition politique, et atteint de deux maladies incurables, la maladie d'Addisson et l'hypersexualité. Forcé par son père au mariage avec Jacqueline Bouvier pour des questions d'ordre moral et politique, le jeune sénateur réussit à se faire élire à la Maison Blanche en 1960 en grande partie grâce à l'argent de son père et à l'intervention de la mafia. Cette même mafia qui ne lui pardonna jamais la croisade que son frère Bob, nouveau ministre de la justice, lança pour court-circuiter le patron du FBI. Se sentant menacé dans ses fonctions en raison de son laxisme notoire à l'égard de la pègre, Hoover garda pour lui les menaces d'assassinats qui pesaient sur le président, puis sur son frère.

Enfin, ce manuscrit révèle les complots qui ont abouti à l'assassinat de JFK à Dallas le 22 novembre 1963, puis à celui de Robert Kennedy cinq ans plus tard. Selon Tolson qui avoue avoir mené une enquête officieuse à la demande de Hoover après l'attentat, le vice-président de Kennedy, Lindon B. Johnson, aurait commandité cet assassinat pour le compte des pétroliers texans. Ces derniers, inquiets par la lourde politique fiscale qui devait s'abattre sur leurs bénéfices, auraient exigé de Lyndon Johnson, qu'ils rinçaient généreusement depuis des années, qu'il régla le problème. D'autant plus qu'un scandale était sur le point d'exploser : Robert Kennedy avait monté un solide dossier sur l'implication du vice-président dans un détournement de fonds publics de plusieurs millions de dollars destinés aux subventions agricoles au Texas [l'unique témoin fut d'ailleurs assassiné]. Hoover, quant à lui, ne leva pas le petit doigt parce qu'il détestait les Kennedy et partageait le point de vue de ces pétro-texans qui l'avaient suffisamment arrosé, faisant de lui un homme quelque peu fortuné. Et puis Lyndon était un vieil ami d'Edgar : c'est lui qui, avant l'élection de Kennedy, a fait passer au Sénat une disposition qui assurait au directeur du FBI une retraite sans diminution de revenus. Seraient également mêlés à ce complot des membres de la mafia que l'acharnement du ministre de la justice mettait dans l'embarras et des membres de la CIA rejoints par des anticastristes déçus par le manque de réactivité de Kennedy après l'opération ratée de la baie des Cochons. L'excellente enquête du journaliste William Reymond, Le dernier témoin, arrive aux mêmes conclusions. Toujours selon Tolson, le meurtre de Bob relèverait de la même logique.

Quelles sont les libertés prises par Clyde Tolson puis par Marc Dugain avec la vérité historique ? Nous ne le saurons probablement jamais ou pas encore du moins. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que le patron du FBI resta indétrônable - seule sa mort le 2 mai 1972 mit fin à ce "consulat à vie" - car il tenait par les couilles tous les hommes politiques de l'époque. Aucun des présidents qui se sont succédés n'a pu se débarrasser de ce passif maître chanteur qui gardait religieusement des dossiers bien étoffés. Quand on pense qu'il était "l'oreille de Moscou", comment le complot a-t-il pu passer à travers les mailles étroites de la surveillance qu'il avait lui-même imposée ? Il savait, c'est sûr. Et pourquoi s'est-il lancé tête baissée dans "la chasse aux sorcières", alimentant la haine démesurée de MacCarthy et consoeurs, tout en délaissant le combat contre le crime organisé ? L'affaire de la photo est donc tout à fait crédible et ses liens avec la mafia avérés.
En ce qui concerne le "régicide", des dizaines de théories du complots ont fleuri ces dernières années sans toutefois qu'une vérité soit arrêtée. Si la conspiration existe bel et bien, l'enquête du procureur de la Nouvelle-Orléans Jim Garrison l'a largement prouvée, l'histoire officielle a toujours des doutes sur les instigateurs.
Eh bien "A qui profite le crime ? ".
A beaucoup de monde certes. Mais en tout cas, la mort de John Kennedy a bien arrangé les affaires de Lyndon B. Johnson. Primo, sa première mesure de président fut d'abandonner le projet de loi visant à abolir les avantages fiscaux des groupes pétroliers. Secondo, le 27 septembre 1964, la commission Warren désignée par LBJ et chargée d'enquêter sur l'assassinat de Kennedy, a rendu des conclusions inacceptables, à savoir que Lee Harvey Oswald a agit seul. Tercio, des bruits de couloir à la Maison Blanche indiquaient l'intention de Kennedy de remplacer Johnson lors de la campagne électorale de 1964 en raison de son implication dans quatre enquêtes criminelles. Ces mêmes quatre enquêtes qui furent classées une fois Johnson président. L'histoire nous dira à quel degré les révélations de Clyde Tolson se sont arrangées avec la vérité.

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